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Été 2022 (Volume 32, numéro 2)

Chercheur émergent de la SCR en 2022 : Dre Jessica Widdifield

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Vous êtes scientifique au Sunnybrook Research Institute dans le cadre du Holland Bone and Joint Research Program et à l’Institute for Clinical Evaluative Sciences (ICES), ainsi que professeure adjointe à l’Institut des politiques, de la gestion et de l’évaluation dans le domaine des soins de santé, où vous dispensez également des cours sur les méthodes de recherche de base et de perfectionnement sur les services de santé dans le cadre des programmes de recherche sur l’épidémiologie clinique et les services de santé. Vous dirigez un programme de recherche novateur et performant, axé sur les résultats et la recherche sur les services de santé dans les maladies rhumatismales et musculosquelettiques (MRM). De plus, vous êtes l’auteure de plus de 60 publications présentant des données probantes en situation réelle visant à améliorer les soins aux patients, les résultats des patients, ainsi que l’efficacité et la durabilité du système de santé pour les MRM dans l’ensemble du continuum de soins. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos recherches?
L’objectif global de mon programme de recherche est de contribuer à l’avancement des connaissances afin d’éclairer les stratégies d’optimisation des soins et des résultats pour les patients atteints de MRM, et de renforcer la capacité du système de santé à prendre en charge ces affections de manière optimale. J’adopte, dans mes recherches, une approche axée sur la santé de la population tirant profit de sources de données secondaires riches et diversifiées (dossiers médicaux), et mes travaux se sont concentrés sur quatre principaux domaines d’activités : un domaine se concentre sur la quantification des changements survenus, au fil du temps, dans le fardeau des MRM dans la population et sur la capacité du système de santé à répondre aux demandes croissantes de ces patients. Dans ce domaine de recherche, j’ai également quantifié les changements survenus au fil du temps dans les effectifs en rhumatologie, les changements dans les consultations médicales au niveau de la population et au niveau des cabinets de rhumatologues au fil du temps (c.-à-d. les volumes de patients), ainsi que la variation géographique de l’offre et de l’accès aux rhumatologues. J’ai également évalué les différences entre les rhumatologues masculins et féminins pour ce qui est de l'’activité clinique et de la rémunération. Mon deuxième domaine de recherche se concentre sur l’évaluation des résultats des patients, notamment sur les résultats pathologiques (comme la mortalité), les résultats des interventions (comme les évaluations pharmaco-épidémiologiques) et les résultats des prises en charge, avec un intérêt particulier pour ce dernier, pour lequel j’ai eu à cœur de démontrer l’importance d’un accès précoce aux soins rhumatologiques et de leur maintien sur l’amélioration des résultats. Mon troisième domaine de recherche se concentre sur la mesure de la qualité. En effet, il est primordial de veiller à l’innocuité, à l’efficacité, au caractère opportun et à l’efficience de la prise en charge des patients atteints de MRM (en tirant profit des ressources pour obtenir la meilleure qualité possible). Il convient également de veiller à ce que cette prise en charge soit équitable et centrée sur le patient. Parmi ces six critères de qualité des soins, je donne la priorité aux évaluations concernant la vérification du caractère opportun de la prise en charge et du traitement de l’arthrite inflammatoire. En effet, les longs délais en rhumatologie constituent l’un des principaux signes trahissant le manque de capacité du système de santé à répondre aux demandes des patients. Mon quatrième domaine de recherche, qui fonctionne en synergie avec les efforts déployés dans les trois autres domaines d’activités, consiste à contribuer à améliorer les capacités de recherche et à faire progresser la science en faveur de l’utilisation des données secondaires (données administratives sur la santé et DME) pour les activités de recherche et de mesure de la qualité. Si ces sources de données secondaires peuvent jouer un rôle important dans l’orientation de la prise en charge médicale de la population et de l’évaluation des soins et des résultats, il persiste cependant des incertitudes quant à la qualité des données (validité et fiabilité), celles-ci n’ayant pas, à l’origine, été recueillies à des fins de recherche. Par conséquent, l’utilisation de ces données nécessite une évaluation minutieuse et continue.

Vos recherches ont sensiblement contribué à faire avancer la compréhension des changements survenus dans les effectifs en rhumatologie et du fardeau de la maladie à l’échelle de la population, des déterminants de la santé, des résultats des prises en charge, de la prestation des soins de santé et de la qualité des soins pour les patients atteints d’une MRM. D’après vous, quels sont changements susceptibles de survenir dans le contexte de la rhumatologie au Canada au cours des dix prochaines années? Pensez-vous que la pénurie de personnel en rhumatologie sera résolue? Dans l’affirmative, de quelle façon?
Du point de vue de la planification des ressources humaines dans le domaine de la santé, je crains que les problèmes touchant actuellement les effectifs en rhumatologie ne s’amplifient avec le temps. Sachant que nous faisons déjà face à une pénurie de rhumatologues et à la croissance démographique rapide et continue du Canada en raison de l’immigration et du vieillissement de la population, et compte tenu de la durée de la formation d’un rhumatologue, à savoir au moins neuf ans (avec l’école de médecine), à moins que des investissements ne permettent dès AUJOURD’HUI d’augmenter la capacité des programmes de formation en rhumatologie, dans dix ans, nous connaîtrons toujours une pénurie. Toutefois, vis-à-vis de la résilience de la communauté rhumatologique, je ne veux pas paraître trop pessimiste. Si nous accordons collectivement la priorité aux efforts axés sur des stratégies visant à renforcer la capacité des effectifs en rhumatologie, peut-être la situation s’améliorera-t-elle. Ces efforts devront se concentrer sur les points suivants : 1) accroître le recrutement de rhumatologues cliniciens en équivalent temps plein (p. ex. en augmentant les occasions, pour les étudiants en médecine, de découvrir le domaine de la rhumatologie, en augmentant le nombre de postes de résidence en rhumatologie, en recrutant de façon éthique des diplômés internationaux en médecine), 2) améliorer la répartition régionale des rhumatologues au Canada, 3) améliorer le maintien en poste des rhumatologues au sein des effectifs, 4) promouvoir et améliorer la capacité des effectifs avec des professionnels de la santé interdisciplinaires (p. ex. soutien financier au niveau gouvernemental, régional et local pour élargir les modèles interdisciplinaires de soins afin d’appuyer les pratiques de rhumatologie), 5) financer la recherche pour obtenir des données sur la façon de mettre en place plus efficacement les effectifs en rhumatologie et d’améliorer la planification des besoins à venir de la population canadienne en matière de santé, et 6) soutenir l’équité, la diversité et l’inclusion en rhumatologie (p. ex. en élaborant et en mettant en œuvre des programmes visant à permettre à chacun de s’épanouir; en remédiant aux inégalités fondées sur le sexe dans les échelles de rémunération).

Du point de vue de la recherche et de la pratique en rhumatologie, je pense que la durabilité environnementale pourrait jouer un rôle plus important dans le paysage de la rhumatologie au cours des dix prochaines années. Le secteur de la santé consomme une énergie considérable, de grandes quantités de plastiques, de papier et d’autres ressources, et produit des quantités importantes de déchets. La nécessité de réduire les impacts environnementaux du secteur de la santé est de plus en plus évidente aujourd’hui. En effet, nous ne devons pas compromettre notre capacité à répondre aux besoins des générations futures. Je pense qu’au cours des prochaines années, l’application d’une perspective de durabilité environnementale dans la pratique quotidienne sera plus courante. Par exemple, les chercheurs intégreront de plus en plus les avantages et les coûts environnementaux dans les critères de mesure des résultats ou comme dimension de la qualité. Nous assisterons à la mise en place de mesures normalisées et de méthodes de recherche pour évaluer les effets environnementaux des activités du système de santé. Les lignes directrices cliniques et les cabinets médicaux commenceront à intégrer la notion de durabilité environnementale dans la prise de décisions cliniques, par exemple en encourageant le recours à la télémédecine pour les patients stables afin de réduire l’empreinte carbone du transport, en adoptant la
« pharmÉcovigilance » et l’utilisation durable des produits pharmaceutiques pour réduire la contamination environnementale, comme l’élimination appropriée des médicaments restants et l’utilisation d’emballages durables pour les produits pharmaceutiques. Nous pourrions même voir des organismes subventionnaires et des organismes spécialisés dans l’examen de financements (peut-être même des comités d’éthique) analyser minutieusement les protocoles d’étude pour déterminer les pratiques éthiquement responsables (p. ex. toutes les visites d’étude sont-elles nécessaires ou les résultats déclarés par les patients pourraient-ils être recueillis par voie électronique?). La détermination et la réduction des déchets administratifs et des déchets d’exploitation (comme la répétition de tests/d’examens d’imagerie inutiles et d’autres redondances/inefficacités) revêtiront une importance croissante au cours de la prochaine décennie.

Comme le dit le dicton, la réussite est la somme de petits efforts, répétés jour après jour. Quels que soient les défis qui se profilent, je suis convaincue que la communauté rhumatologique se penchera collectivement sur les problèmes nuisant à la durabilité des effectifs, et œuvrera également en faveur du mouvement de durabilité environnementale, par lequel les patients, les soignants et les chercheurs considéreront le monde qui les entoure comme un tout indissociable.

La Dre Widdifield recevant le Prix du chercheur émergent de la SCR lors
du gala virtuel en février 2022.

Lors du discours des chercheurs émergents à la réunion scientifique de la SCR de cette année, vous avez présenté des résultats de recherche sur l’incidence de la pandémie sur les patients et les rhumatologues. Sur quels autres domaines de recherche travaillez-vous actuellement?
Mon attention se concentre maintenant sur la base de données de DME en rhumatologie à l’ICES. Ces dernières années, nous avons regroupé les données sur les DME transmises par des rhumatologues de l’Ontario dans une base de données centralisée. Le lancement de ce projet a nécessité un travail administratif considérable, avec des questions de confidentialité et des points juridiques à traiter, la préparation de l’infrastructure pour héberger les données en toute sécurité, l’achèvement du processus, et l’extraction et l’acquisition des données de DME rhumatologiques dans un référentiel de données central. Une fois les données des DME obtenues, elles doivent être traitées, anonymisées et les variables de données cartographiées entre les pratiques individuelles dans un modèle ou un schéma de données commun, avec un dictionnaire de données pour refléter le contenu et la structure des données. Ensuite, des évaluations détaillées de la qualité des données sont entreprises pour déterminer quelles questions de recherche peuvent être traitées de manière réalisable et précise à l’aide des données. Le recrutement de rhumatologues (invités à transmettre une copie des données concernant leur pratique) se fait par phases et l’augmentation du nombre de participants est en cours. Cette nouvelle source de données offrira d’énormes possibilités en matière d’activités de recherche collaboratives avec la communauté rhumatologique au sens large. L'objectif : tirer pleinement profit de l’utilisation des données de DME pour la recherche et les activités de mesure et d’amélioration de la qualité.

Sur le plan professionnel, quelle est la réussite dont vous êtes le plus fière à ce jour?
Il est difficile de déterminer l’accomplissement dont je me sens le plus fière, car plusieurs réalisations m’ont beaucoup touchée, à divers égards. L’obtention d’une bourse Banting Postdoc Award m’a émue aux larmes. Cela a sûrement été la réussite la plus émouvante pour moi, car cela signifiait qu’un comité d’évaluation par des pairs des IRSC estimait que je méritais de poursuivre ma formation en vue d’une carrière de chercheuse indépendante. Cet événement a contribué à me redonner confiance, à un moment où j’en avais le plus besoin. L’obtention d’une Bourse des étoiles pour le développement de carrière de la Société de l’arthrite a également été une étape importante. Débuter en tant que nouveau chercheur s’avère parfois déroutant, car on est constamment entraîné dans des directions différentes du fait d’autres forces internes et externes susceptibles d’influencer directement ou indirectement les activités de recherche que nous entreprenons. La Bourse des étoiles m’a aidée à définir les priorités de mon programme de recherche. Et bien sûr, je suis profondément honorée d’être la lauréate du Prix du chercheur émergent de 2022 de la SCR. La reconnaissance, par mes pairs, de mes travaux de recherche sur les maladies rhumatismales au Canada est très précieuse.

Jessica Widdifield, Ph. D.
Scientifique, Sunnybrook Research Institut
(Holland Bone & Joint Research Program), ICES
Professeure adjointe, Université de Toronto,
Institut des politiques, de la gestion et de l'évaluation de la santé
Toronto (Ontario)

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