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Été 2022 (Volume 32, numéro 2)

Rhumatologue émérite de la SCR en 2022 : Dre Lori Tucker

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Pourquoi êtes-vous devenue rhumatologue? Quels sont les facteurs ou quelles sont les personnes qui vous ont inspirée à entreprendre cette carrière?
Je pense que j’étais prédestinée à embrasser une carrière de rhumatologue, en fait! Avant d’entrer à l’école de médecine, j’ai passé un an dans un laboratoire d’immunologie renommé, dirigé par le Dr Matthew Scharff, à l’Albert Einstein College of Medicine, où j’ai découvert les anticorps monoclonaux et l’immunologie cellulaire, et où j’ai eu la chance de faire partie d’un modèle fantastique de recherche translationnelle. Après mes études de médecine, j’ai commencé ma formation en pédiatrie à Boston. La nouvelle cheffe du département était alors la
Dre Jane Schaller, une véritable pionnière de la rhumatologie pédiatrique. C’est là que j’ai appris que la rhumatologie pédiatrique pouvait être un choix de carrière, et j’ai été attirée par la combinaison des divers aspects de cette discipline : diagnostics complexes, immunologie et prise en charge de maladies chroniques. J’ai aussi beaucoup apprécié le travail en équipe. J’aime en effet travailler avec les infirmiers, les physiothérapeutes et les ergothérapeutes, et j’apprécie également l’aspect social de ce travail. La combinaison parfaite pour moi.

Vous êtes professeure clinicienne en pédiatrie et cheffe de la Division de rhumatologie pédiatrique à l’Université de la Colombie-Britannique et au BC Children’s Hospital, ainsi que chercheuse clinicienne au BC Children’s Hospital Research Institute. De plus, vous faites partie des membres fondateurs et êtes l’ancienne présidente de la Canadian Alliance for Pediatric Rheumatology Investigators, le réseau national canadien chercheurs en rhumatologie pédiatrique.

a) D’où vient votre passion pour la rhumatologie pédiatrique?

Ma passion pour la rhumatologie pédiatrique me vient des enfants et de leurs familles. J’ai toujours apprécié l’aspect « casse-tête » des diagnostics de rhumatologie pédiatrique, ainsi que la mise à profit de mes connaissances pour aider les parents à comprendre la maladie de leur enfant et à trouver des solutions pour améliorer leur état de santé. Pour moi, c’est un privilège d’aider les enfants atteints de maladies rhumatismales à grandir et à se développer au mieux de leurs capacités, et j’aime l’objectif à long terme de notre travail. J’aime aussi travailler au sein d’une équipe. D’ailleurs, la plupart des avancées que nous avons obtenues en matière de prise en charge clinique et de recherche, nous les devons aux équipes exceptionnelles avec lesquelles j’ai eu la chance de travailler.

b) Pouvez-vous nous en dire plus sur la Canadian Alliance for Pediatric Rheumatology Investigators (CAPRI)? Quelle est l’origine de sa fondation et quelle incidence a-t-elle eue sur la pratique de la rhumatologie au Canada?
Au Canada, la communauté de rhumatologie pédiatrique a toujours été un groupe soudé, convivial et animé par un réel esprit d’équipe. Lorsque j’ai emménagé au Canada, je me suis sentie très bien accueillie. En 2011, nous nous sommes tous rencontrés lors d’une réunion déterminante à Vancouver, sous l’égide de Ciaran Duffy, et nous avons convenu que nous devrions mener des recherches collaboratives sur la rhumatologie pédiatrique, en tant que groupe. De cette réunion, la Canadian Alliance of Pediatric Rheumatology Investigators, CAPRI, est née. En tant que groupe entièrement bénévole, qui réunit tous les rhumatologues pédiatriques, ainsi que ceux qui prennent part à d’importantes recherches en rhumatologie pédiatrique au Canada, nous avons réussi à obtenir de nombreuses subventions et avons mené une série de projets à l’échelle nationale. Je dirais que l’incidence majeure que nous avons eue réside dans notre capacité à mener des projets multicentriques de manière collaborative. Nous avons misé sur les extraordinaires compétences de nos membres en épidémiologie, en sciences de laboratoire et en sciences cliniques, dans un environnement où les contributions de chacun sont appréciées. Je me réjouis à l’idée de voir la nouvelle génération de rhumatologues pédiatriques canadiens se réunir dans le cadre du réseau CAPRI afin d’œuvrer dans la même optique, et je vous assure qu’avec cette nouvelle génération, nous sommes entre bonnes mains!

Vous avez codirigé les deux plus grandes études de recherche longitudinale multicentriques sur l’arthrite juvénile idiopathique (AJI) menées au Canada au cours des 15 dernières années, ReACCh-Out et LEAP (abréviation de Linking Exercise, Physical Activity, and Pathophysiology in Canadian Children with Juvenile Idiopathic Arthritis) et vous avez joué un rôle déterminant dans l’élaboration du registre longitudinal national CAPRI JIA. Vous avez également mis sur pied un programme clinique sur les maladies auto-inflammatoires au BC Children’s Hospital, qui dessert la province de la Colombie-Britannique. Ce programme intègre la recherche translationnelle dans chaque consultation clinique.

a) Pouvez-vous nous en dire plus sur vos travaux de recherche et sur la façon dont ils ont façonné le paysage de la rhumatologie pédiatrique?

J’ai eu la chance incroyable de faire partie d’un groupe national de chercheurs en rhumatologie pédiatrique qui ont extrêmement bien travaillé ensemble dans l’étude des enfants atteints d’AJI au Canada. Lorsque nous avons présenté la première demande de financement pour le projet d’équipe de recherche ReACCh-Out, notre objectif était d’établir un registre longitudinal destiné à recueillir des renseignements détaillés sur des enfants atteints d’AJI dans toutes les provinces du Canada et nous y sommes parvenus. Ce premier projet a ouvert la voie à d’autres travaux, et notre groupe a mis au point des méthodes de collecte de données multicentriques et de collecte d’échantillons qui ont par la suite été utilisées dans des projets importants. Les résultats de notre étude ReACCH-Out ont démontré qu’avec les traitements actuels, au Canada, chez la majorité des enfants auxquels une AJI a été récemment diagnostiquée, la maladie est bien maîtrisée dans les six mois. En outre, nous avons réussi à comprendre les facteurs prédictifs de la forme grave de la maladie, les trajectoires de la douleur et de la qualité de vie, ainsi que les facteurs associés aux risques de poussées. Grâce au travail mené auprès d’enfants atteints d’AJI et de leurs parents, nous avons mis au jour des résultats particulièrement intéressants pour eux. Nous avons utilisé nos données pour élaborer des méthodes de prédiction de ces résultats et nous nous lançons maintenant dans un essai ambitieux portant sur l’application de ces méthodes de prédiction dans la prise de décisions cliniques partagée à travers le Canada. Il est formidable de constater que les compétences, la passion et le travail acharné de tous ces rhumatologues pédiatriques à travers le pays ont contribué à faire avancer ces recherches en faveur d’un véritable changement sur le plan clinique.

Je tiens également à souligner que les travaux menés dans le cadre de l’étude ReACCh-Out, avec Ciaran Duffy, Kiem Oen et Rae Yeung, ont débouché sur d’autres projets très importants, rendus possible grâce aux financements obtenus, à savoir Biologically Based Predictors of JIA (BBOP) avec Alan Rosenberg et Understanding Childhood Arthritis Network (UCAN-CAN DU) avec Rae Yeung et Susa Benseler. Ces projets s’inscrivent dans la poursuite de la recherche collaborative en rhumatologie pédiatrique, à l’initiative de chercheurs Canadiens.

En plus de vos activités cliniques et de recherche, vous n’avez eu de cesse de vous engager en faveur de la défense des intérêts des patients et du renforcement des partenariats entre l’équipe clinique, les parents et les patients, en tant que conseillère médicale et membre du conseil d’administration de l’organisation caritative Cassie and Friends: A Society for Children with Arthritis and Rheumatic Diseases. Cet organisme national dirigé par des parents et des patients s’est fait le porte-parole de la rhumatologie pédiatrique au Canada, recueillant des fonds pour les besoins directs des patients et la recherche, proposant des séances d’information et de formation en ligne, et élaborant des programmes de soutien aux parents et aux jeunes. Pourquoi cet engagement en faveur de la défense des intérêts des patients était-il important pour vous? Pouvez-vous nous donner un exemple concret de la façon dont l’association Cassie and Friends a contribué à améliorer la prise en charge des patients en rhumatologie pédiatrique?
J’ai toujours pensé qu’il était de notre devoir de parler au nom de nos patients, et de les accompagner afin de leur permettre d’accéder de façon équitable aux soins nécessaires pour obtenir les meilleurs résultats possible. C’est l’une de nos responsabilités en tant que spécialistes pédiatriques. Je m’intéresse à la façon dont nous, en tant que médecins et experts médicaux, pouvons travailler avec le gouvernement et l’administration, entre autres, pour améliorer la prise en charge des patients. Et lorsque vous travaillez avec des enfants atteints de maladies rhumatismales, vous découvrez très rapidement que ces maladies et leurs difficultés sont très peu connues, d’où le manque d’intérêt pour ce domaine.

Les enfants atteints d’arthrite (et d’autres maladies rhumatismales) et leurs familles n’ont jamais vraiment eu de porte-parole influent au Canada, ni de groupe uniquement dédié aux questions importantes pour eux. Cassie and Friends se fait désormais l’interprète de nos petits patients. Après ses débuts dans la province de Colombie-Britannique, l’association évolue désormais à l’échelle nationale. Le travail de Cassie and Friends, considérée comme la porte-parole des maladies rhumatismales pédiatriques au Canada et dont la crédibilité n’est plus à démontrer auprès des équipes cliniques, des organismes de financement, du gouvernement et des médias, est absolument époustouflant. Les rhumatologues pédiatriques de tout le pays travaillent avec leurs propres équipes et Cassie and Friends sur des projets locaux et nationaux. Nous disposons désormais d'un programme dynamique destiné aux jeunes atteints de maladies rhumatismales, leur permettant de rencontrer d'autres personnes et de mettre en place des programmes de soutien, ainsi que de participer à la recherche et à son avancement. Les formations virtuelles mis en place par Cassie and Friends depuis le début de la pandémie sont incroyables, et nombre de nos familles utilisent la « bibliothèque » pédagogique en cas de besoin. J’adore travailler avec Cassie and Friends parce que j’observe les bénéfices de notre travail tous les jours à la clinique lorsque je m’entretiens avec les familles.

Quels changements majeurs dans le paysage de la rhumatologie pédiatrique avez-vous observés au cours de votre carrière?
Il y en a eu plusieurs, mais le plus percutant a été l’autorisation du métho- trexate et, par la suite, des produits biologiques dans le traitement de l’AJI. Les changements apportés dans le traitement des enfants atteints d’AJI, motivés par les connaissances scientifiques, ont complètement transformé l’évolution de la plupart des enfants atteints de cette maladie. Pour preuve : nos photos du Arthritis Camp, organisé en Colombie-Britannique il y a 25 ans, qui montrent des enfants utilisant des béquilles ou en fauteuil roulant, et présentant une croissance limitée par l’utilisation des stéroïdes; tandis qu’aujourd’hui, sur les mêmes photos, apparaissent des enfants en forme et en bonne santé.

Un autre changement fascinant réside dans l’évolution et l’amélioration de notre compréhension des maladies auto-inflammatoires, grâce à la recherche fondamentale et translationnelle. Les rhumatologues pédiatriques diagnostiquent et traitent désormais un tout nouvel ensemble de maladies et ont encore beaucoup à apprendre au jour le jour.

Selon vous, à quels défis les rhumatologues canadiens seront-ils confrontés à l’avenir? Et que la SCR et ces rhumatologues peuvent-ils faire pour les relever?
Les défis en rhumatologie pédiatrique concernent l’amélioration des soins pour les enfants et les jeunes atteints de maladies rhumatismales au Canada, l’augmentation de notre capacité et de nos résultats de recherche, et l’application de ces nouvelles connaissances en vue d’améliorer la prise en charge. Les enfants sont encore orientés vers les services de rhumatologie à des fins de diagnostic et de traitement trop tardivement après l’apparition de la maladie. En outre, de graves problèmes d’accès aux soins et aux traitements persistent pour de nombreux enfants atteints de maladies rhumatismales.

Quelle a été votre première pensée lorsque vous avez appris que vous alliez recevoir le Prix du rhumatologue émérite de la SCR?
Pour être honnête, j'ai été stupéfaite, surprise et très honorée. Je considère mes collègues et collaborateurs du secteur de la pédiatrie comme des partenaires de travail et des amis, et cela signifie beaucoup pour moi d'être reconnue par la communauté des rhumatologues pour le travail que j'ai accompli au fil des ans. J'ai également beaucoup de respect pour le travail que la SCR accomplit, avec des rhumatologues bénévoles, au nom de notre profession et de nos patients. Voilà pourquoi cet honneur m'est d'autant plus cher puisqu'il m'est décerné par cette organisation qui occupe une place particulière dans mon cœur.

La Dre Tucker recevant le Prix du rhumatologue émérite de la SCR lors
du gala virtuel en février 2022.

Vous êtes coincée sur une île déserte. Quel livre aimeriez-vous avoir avec vous?
Pour la lecture : J’aimerais avoir un carnet de croquis, des crayons et des stylos à dessin.

Si vos journées comptaient une heure de plus, comment l’utiliseriez-vous?
Par une journée ensoleillée, je ferais une balade à vélo à Vancouver. Par temps pluvieux (il faut toujours s’y préparer à « Raincouver »), je tricoterais ou je ferais des gâteaux.

Quelle est votre nourriture ou cuisine préférée?
Je ne refuse jamais de la crème glacée, et j’aime les desserts élaborés et intéressants.

Quelle est votre destination de vacances de rêve?
La Patagonie pour y faire de la randonnée.

Combien de tasses de café vous faut-il pour avoir une journée productive?
Au risque de passer pour quelqu’un de snob, ce n’est pas seulement le nombre de tasses qui compte, mais la qualité.

Je dirais deux tasses (et le café Starbucks n’a pas ma préférence) de ma production ou une tasse dans l’un des nombreux cafés situés près de chez moi.

Lori Tucker, M.D., FRCPC,
Professeure de clinique, pédiatrie,
Directrice de la division de rhumatologie,
Département de pédiatrie
Chercheuse clinicienne,
BC Children’s Hospital Research Institute,
BC Children’s Hospital et Université de la Colombie-Britannique
Vancouver (Colombie-Britannique)

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