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Été 2022 (Volume 32, numéro 2)

Entendu au bureau

Par Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR

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« Je l’ai appris par des bruits de couloir
et je crois que je vais perdre la tête. »

– extrait de « I heard it through the grapevine » de Marvin Gaye

Je dirige un petit cabinet avec ma secrétaire uniquement, et j'y reçois mes patients. Lorsque je suis dans mon bureau, entre deux patients, il n'est pas rare que j'y saisisse des bribes de conversations téléphoniques de ma secrétaire. Bien que la connaissance d’une seule des deux versions soit un inconvénient, je ne peux parfois pas m’empêcher de me poser des questions. Voici des exemples récents :

Test de laboratoire sur la PPR (pseudopolyarthrite rhyzomélique)
Un patient a appelé le cabinet. Il est atteint d’une PPR1, et je lui ai prescrit (par le biais d’un formulaire) des analyses sanguines, à réaliser toutes les huit semaines, pour surveiller sa FSC2, sa VS3 et sa CRP4. Dans la section intitulée « Détails cliniques (p. ex. diagnostic) », j’avais utilisé mon modèle de formulaire de laboratoire et indiqué « PPR », et, sur la ligne en dessous, « À refaire toutes les huit semaines ». Cela n’a jamais été un problème, sur aucune de mes demandes d’analyses de laboratoire effectuées au cours des dix dernières années, depuis que j’ai commencé à utiliser un DME5. Toutefois, ma prescription semble avoir laissé le personnel du laboratoire perplexe, car d'après le patient, les employés ont passé beaucoup de temps à chercher, et en vain, un test nommé PPR! Ma secrétaire a évidemment résolu le problème, mais cela pourrait expliquer pourquoi le laboratoire en question a effectué une série de tests FR6 que je n’ai jamais prescrits, probablement en raison de la présence de l’abréviation « PR7 » dans la même section « Détails cliniques ».

L’ophtalmologiste
Une autre patiente appelle. Elle présente depuis 10 ans une forme de PR relativement légère. Elle prend un traitement à base d’hydroxychloroquine (HCQ) et bénéficie d’une surveillance ophtalmologique annuelle. En Ontario, un patient âgé de 18 à 64 ans ne peut pas bénéficier d’une prise en charge ophtalmologique gratuite. Toutefois, j’avais rempli le formulaire adéquat pour que ces examens soient pris en charge. En effet, ce formulaire comporte une section dans laquelle je dois indiquer la raison pour laquelle le patient est admissible à la gratuité de la prise en charge. Mon modèle de formulaire indique
« Sous HCQ depuis _____ - nécessite une surveillance ophtalmologique annuelle ». Le diagnostic de PR ou de LED8 est invariablement indiqué dans l’espace vide. La patiente a indiqué que l’ophtalmologiste lui avait demandé pourquoi elle était sous HCQ! Une question de mauvais augure, et ce, pour deux raisons : le spécialiste n’avait de toute évidence pas lu le formulaire (dans ce cas, réalisait-il bien les examens appropriés?), et ma patiente de longue date ne semblait pas avoir assimilé son diagnostic rhumatologique.

Résultats de laboratoire
Après avoir relevé le courrier quotidien, ma secrétaire me tend les résultats de laboratoire, au format papier, de l’un de nos patients. Il s’agit d’un grand laboratoire, qui m’envoie normalement tous les résultats par voie électronique directement dans le DME. Intrigué par ce format papier, je le considère également inutile dans la mesure où il s’agit d’un doublon du document que j’ai déjà reçu au format numérique. Je constate également que la copie des résultats qui, à ma demande, devait être transmise au médecin de famille de mon patient, n’a pas pu être envoyée, car le médecin en question n’a pas pu être identifié sur la base des renseignements que j’ai fournis. Intéressant. J’ai donc retrouvé la copie électronique de la prescription d’analyses et étudié attentivement la section dans laquelle j’ai indiqué le destinataire des copies. Le document comportait les renseignements suivants concernant le médecin de
famille : prénom et nom, adresse complète, numéro de télécopieur et numéro provincial de facturation! J’ajouterais que le nom de famille du médecin, nettement moins courant que Smith, Singh ou Wong dans ma communauté, ne pouvait pas porter à confusion, si bien que l’information communiquée était parfaitement claire pour permettre d’identifier un seul et unique médecin. J’ai demandé à ma secrétaire d’appeler le laboratoire, à la fois pour mettre un terme à la réception aléatoire de rapports papier indésirables, et pour déterminer les renseignements supplémentaires dont le laboratoire avait besoin pour pouvoir envoyer les copies des résultats au médecin généraliste. La réponse nous semblait insensée : le laboratoire avait récemment mis à niveau son système, et désormais le médecin généraliste était identifiable. J’espérais que c’était le cas.

Il n’y a rien d’étonnant, dès lors, à ce que la fréquence de l’épuisement professionnel chez les médecins augmente. En effet, comment trouver le temps, dans une journée, pour régler toutes ces questions fâcheuses? Néanmoins, il existe parfois des solutions préconçues à un problème récurrent, ce qui donne l’espoir d’un avenir meilleur.

La quatrième dose du vaccin contre la COVID-19
Un matin, je reçois un patient, qui bénéficie d’un traitement avancé contre la PR, dans le cadre de son suivi. Il a pour le moment reçu trois doses de vaccin contre la COVID-19. Comme je l’explique à chaque patient dans cette situation, il est admissible à une quatrième dose, douze semaines après avoir reçu sa troisième dose (c’est la règle actuelle en Ontario, au moment de la rédaction de document). D’après des travaux intensifs effectués par l’ORA9, sous l’égide de la Dre Jane Purvis, nous avons déterminé que les patients n’ont pas besoin d’une lettre de leur rhumatologue pour obtenir cette quatrième dose. Il leur suffit de montrer leur boîte de médicaments ou leur ordonnance aux responsables du centre de vaccination. Ce positionnement a bénéficié de l’appui du ministère provincial de la Santé et de la direction de nos principales sociétés pharmaceutiques de détail. Le patient indique qu’il prévoit se faire vacciner à la pharmacie de sa ville, qui lui fournit également son traitement contre la PR. Je me suis dit que c'était parfait, et qu'il ne devrait pas y avoir de problèmes.

L’après-midi, j’entends ma secrétaire parler à ce patient. Sa pharmacie, une succursale d’une grande chaîne, souhaite une lettre de ma part avant de procéder à l’injection. Disposant d’un modèle pour ce type de lettre, je l’envoie par télécopie à la pharmacie afin que le patient puisse se faire vacciner. Mais je ne m’arrête pas là : je lui envoie également le document d’une page de l’ORA, qui présente le protocole en vigueur concernant l’administration de la quatrième dose. Je contacte également la Dre Purvis et notre directrice générale de l’ORA afin de leur communiquer le nom de la pharmacie, son numéro, son adresse, ainsi que ses numéros de téléphone et de télécopieur. Dans l’heure qui suit, on m’assure que les personnes concernées au Ministère de la Santé et au siège social de la chaîne de pharmacies ont été avisées. J’espère que cela permettra d’éviter que d’autres patients et rhumatologues aient à faire face à ce type de situation. S’il s’agit là d’une petite victoire, nous avons besoin de ces petites avancées, de temps en temps, pour continuer à mener le bon combat au nom de nos patients.

Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR
Rédacteur en chef, JSCR
Scarborough (Ontario)

Glossaire :

1. PPR : pseudopolyarthrite rhyzomélique; 2. FSC : formule sanguine complète
3. VS : vitesse de sédimentation érythrocytaire; 4. CRP : protéine c-réactive
5. DME : dossier médical électronique; 6. FR : facteur rhumatoïde
7. PR : polyarthrite rhumatoïde ; 8. LED : lupus érythémateux disséminé;
9. ORA : Ontario Rheumatology Association

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