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Été 2022 (Volume 32, numéro 2)

Point de vue de patient :
Kelsey Chomistek

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À l’âge de 15 ans, j’ai commencé à ressentir des douleurs et à boiter chaque matin. En bonne danseuse de compétition qui s’entraînait sept jours par semaine, j’ai d’abord choisi d’ignorer la douleur et la fatigue. Je pensais que mes chevilles étaient simplement malmenées et que mon emploi du temps chargé me fatiguait. Mes professeurs de danse croyaient que ma technique se détériorait parce que je me désintéressais de la danse, même si j’arrivais tôt avant chaque cours pour m’entraîner. Ils m’ont également fait suivre une diète hyperprotéinée pour que je prenne du poids.

À l’Hôpital pour enfants de l’Alberta, j’ai appris ce qui se passait : j’ai reçu un diagnostic d’arthrite juvénile idiopathique polyarticulaire à facteur rhumatoïde positif.

C’est incroyablement difficile de recevoir un tel diagnostic à l’adolescence. Je passais la première journée de chaque année scolaire à recevoir une perfusion à l’unité de médecine de jour. J’étais souvent trop épuisée pour participer à des activités sociales, j'étais toujours en retard à l'école et les effets secondaires de mes médicaments me rendaient malade les fins de semaine. J'ai continué à participer aux compétitions, en soulageant mes symptômes d'arthrite par des bandages aux chevilles, des compresses de glace et de chaleur, des pauses en classe, un allègement de mon programme de danse et la prise de médicaments (prednisone, naproxène, méthotrexate et étanercept).

J’ai pu obtenir mon diplôme d’études secondaires malgré un nombre important d’absences occasionnées par des rendez-vous médicaux, et j’ai commencé des études de premier cycle en sciences de la santé. Mon diplôme est devenu mon nouveau défi, car je devais suivre un programme rigoureux malgré une maladie non maîtrisée. Au cours de ma deuxième année, j’ai dû subir une synovectomie du poignet droit en raison d’inflammation et de douleur persistantes. Je me souviens très bien du professeur qui m’a dit que je devrais me contenter d’une note de zéro à mon examen de mi-session parce que mon opération était prévue le même jour que l’examen. Je me revois en pleurs à la bibliothèque, essayant de prendre des notes en vue d’étudier pour mes examens finaux deux semaines après l’opération. J’ai eu de mauvais résultats aux examens et mes notes ont continué à baisser, alors que je luttais pour terminer le semestre suivant malgré un poignet qui mettait plus de temps que prévu à guérir. On m’a dit que j’avais le choix entre changer de programme ou risquer d’être renvoyée de l’université après avoir été mise en probation.

C’est la deuxième fois où j’ai eu l’impression que l’arthrite me privait de quelque chose – mon rêve de toujours de devenir médecin. J’ai donc changé de programme à contrecœur et, pendant l’été de ma troisième année, j’ai subi une synovectomie de la cheville gauche moins de 24 heures après avoir passé mon Medical College Admission Test (MCAT).

Après avoir reçu mon diplôme de premier cycle, j’ai entamé une maîtrise en sciences médicales, travaillant avec mon précepteur et l’équipe de l’Alberta Children’s Hospital pour mettre sur pied un programme de prise en charge autonome destiné aux adolescents atteints d’arthrite juvénile. Ce projet était important pour moi, car je désirais faciliter la transition des patients et des familles vers la vie avec une maladie chronique. Je voulais que les patients aient les compétences nécessaires pour prendre en charge leur maladie et défendre leurs intérêts afin qu’ils n’aient pas à traverser ce que j’avais vécu. Pendant que je poursuivais mes études, j’ai lentement perdu ma capacité à marcher, car le cartilage de ma cheville gauche était devenu trop usé. En raison de la douleur, j’ai fini par avoir besoin d’un déambulateur avec repose-genou pour me déplacer. La perte de ma capacité à marcher demeure l’une des expériences les plus pénibles que j’ai dû affronter depuis mon diagnostic. Autrefois active et en bonne santé, je n’aurais jamais imaginé devoir choisir entre une arthroplastie de la cheville et une fusion de la cheville et devoir vivre avec les conséquences de ma décision. J’ai opté pour une arthroplastie totale de la cheville gauche et, à 23 ans, j’ai appris à marcher pour la deuxième fois. J’ai profité de ma période de convalescence pour envoyer mes demandes d’admission en médecine. En 2020, j’ai reçu un autre genre de courriel : j’étais acceptée à la faculté de médecine de l’Université de Calgary.

À 27 ans, j’avais passé 13 ans à vivre avec des articulations enflammées, de la douleur, de la raideur, une amplitude de mouvement limitée et de la fatigue. Mon sous-type de maladie est résistant au traitement et a entraîné des changements érosifs et des lésions articulaires irréversibles. Ma maladie est demeurée mal maîtrisée pendant ma formation médicale, et elle continue de me faire la vie dure alors que je poursuis ma carrière et que j’apprends à trouver un équilibre entre ma santé, ma carrière et mes responsabilités personnelles. Le plus difficile quand on vit avec une maladie chronique, c’est son invisibilité. Les gens ont du mal à vraiment comprendre les symptômes que je ressens, car j’ai l’air d’une jeune adulte en bonne santé. J’ai aussi de la difficulté à concevoir que l’image que je projette en raison de mes limites physiques et de la fatigue ne reflète pas la personne que je suis. J’ai commencé à m’impliquer dans la communauté de l’arthrite parce que je voulais sensibiliser les gens, montrer aux autres ce que signifie vraiment le fait de vivre avec une maladie chronique et partager mon expérience avec les familles pour rendre ce diagnostic plus facile à accepter. Je suis cofondatrice du Teen Arthritis & Auto- inflammatory Group (TAG) et, en partenariat avec la Cassie and Friends Society, nous avons déployé le TAG à travers le Canada pour offrir un soutien par les pairs aux adolescents atteints de maladies rhumatismales pédiatriques.

Je suis actuellement en dernière année de mes études de médecine et l’un de mes patients adolescents a également perdu sa capacité à marcher. Le dernier jour de ma rotation, il a enfin pu fléchir les genoux sans douleur. Pour la première fois depuis mon diagnostic, j’ai pleuré parce que l’arthrite m’avait donné quelque chose de précieux dans la
vie : la possibilité de vraiment comprendre ce que mes patients vivent et de les aider à réaliser qu’ils ne sont pas seuls.

Kelsey Chomistek, M. Sc.
Étudiante en médecine, Cumming School of Medicine,
Université de Calgary
Directrice générale, Cassie and Friends,
Calgary (Alberta)

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