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Automne 2020 (Volume 30, numéro 3)

La pratique virtuelle de la rhumatologie ressemble à l’extraction de bitcoins :
discussion

Par Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR

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Les examens écrits de la bourse de rhumatologie comportant des questions à développement appartiendront peut-être au passé après la pandémie, mais même s’ils survivent, je doute que la question titre soit susceptible d’y figurer. Si c’est le cas, n’hésitez pas à utiliser les renseignements ci-dessous.

Dans le monde concret d’avant la COVID, la médecine constituait une aberration. Malgré la progression des DME, notre transition numérique accusait du retard. Le transfert d’information était encore dominé par le télécopieur, l’interconnexion et l’interopérabilité des renseignements médicaux électroniques étaient rares et notre travail auprès des patients se faisait principalement à la pièce, selon le principe du paiement à l’acte. Bien sûr, les interactions individuelles avec les patients, y compris la présence physique rapprochée et les examens physiques réels, sont ce dont nous sommes fiers en tant que rhumatologues, en accompagnant les patients tout au long de leurs maladies chroniques.

Même à cette époque, en ce qui concerne nos relations financières avec les payeurs, nous étions passés au monde numérique. Les gouvernements n’acceptent plus les réclamations sur papier ni sur disquette; les renseignements relatifs à la facturation sont transmis électroniquement et nous recevons les paiements de la même manière, directement dans nos comptes bancaires chaque mois.

Aujourd’hui, la pratique virtuelle de la médecine est la nouvelle norme. Même si elles pourraient se faire par l’intermédiaire d’une plate-forme vidéo imitant les interactions réelles, beaucoup de mes visites se font par téléphone. Tous les jours, je suis assis devant mon ordinateur dans mon bureau à domicile, mon DME est ouvert, je parle et je tape sur le clavier patient après patient, puis j’envoie des ordonnances et des demandes de dossier par voie numérique aux pharmacies, aux patients et aux établissements de soins de santé. À la fin de la journée, j’envoie ma facture pour tout ce travail par voie électronique au ministère de la Santé et le paiement en est pratiquement garanti : en l’absence d’interactions en personne, j’ai l’impression de créer de l’argent à partir de rien. Dans un sens, ce travail virtuel et numérique n’a pas le poids et la profondeur des interactions en cabinet, même si les décisions qui s’imposent sont tout aussi difficiles à prendre, sinon plus. Le fait de pouvoir travailler sans devoir s’habiller ou enfiler une tenue professionnelle, gérer son apparence et se rendre sur son lieu de travail influence cette perception.

Bien sûr, la monnaie numérique n’est pas nouvelle. La popularité des transactions en espèces ne cesse de décliner, tout comme l’utilisation des chèques. Nous sommes dans une période de transition accélérée vers des paiements préautorisés, des transferts électroniques de fonds, des virements électroniques Interac et des portefeuilles numériques. Même si on dit qu’actuellement, les gouvernements et leurs banques centrales « impriment de l’argent », ils n’exploitent pas réellement une presse à imprimer physique, comme dans le cas du succès de Netflix La Maison de papier. L’argent qui finance les programmes gouvernementaux de lutte contre la pandémie, comme la SSUC, le CUEC, la SST, la PCU et bien d’autres, est créé et transféré par voie numérique.

Les mineurs de bitcoin semblent eux aussi créer de l’argent à partir de rien, en utilisant des ordinateurs pour résoudre des équations mathématiques complexes. Comment cela est-il possible? J’ai beaucoup appris sur le bitcoin, et le concept de chaîne de blocs qui y est souvent associé, en lisant des articles sur www.investopedia.com. Apparemment, à l’heure actuelle, la probabilité qu’un ordinateur résolve l’un de ces problèmes est d’environ 1 sur 13 billions. J’aime beaucoup mieux mes chances de diagnostiquer correctement un patient virtuel que je n’ai jamais vu depuis chez moi. Entre-temps, la « récompense de bloc » pour la résolution de ces problèmes mathématiques complexes ne cesse de diminuer, passant de 50 bitcoins en 2009 à 3,125 bitcoins en mai 2020. Les rhumatologues canadiens peuvent le comprendre, puisque les gels et les réductions d’honoraires sont monnaie courante ces dernières années. En Ontario, le ministère de la Santé a créé de nouveaux codes d’honoraires pour la facturation virtuelle au début de la pandémie, mais a ensuite adopté la position que la plupart des visites de suivi virtuelles devraient être payées à une valeur 33 % inférieure à celle des visites en personne. Ce différend a duré des mois avant d’être résolu en notre faveur après de fortes pressions.

Enfin, l’extraction du bitcoin nécessite des quantités considérables d’énergie et des installations informatiques sophistiquées. Je n’ai besoin que d’un téléphone, d’un accès à Internet et d’un ordinateur qui peut accéder à mon DME dans le nuage. Ainsi, mon travail virtuel est extrêmement respectueux de l’environnement, puisqu’il évite à mon personnel, à mes patients et à moi-même de nous rendre au bureau. L’extraction de bitcoins à l’aide de groupes d’ordinateurs haut de gamme nécessite de grandes quantités d’électricité qui, si elle est produite à partir de charbon ou de pétrole, est néfaste pour l’environnement.

Bill Gates aurait déclaré : « Le bitcoin est meilleur que la monnaie en ce sens qu’il n’est pas nécessaire d’être physiquement au même endroit ». Grâce à la rhumatologie virtuelle, vous n’avez pas non plus besoin d’être physiquement au même endroit que votre patient. Est-ce mieux que la réalité? Cette question pourrait être posée lors d’un futur examen de rhumatologie, mais vous devrez trouver la réponse par vous-même.

Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR
Rédacteur en chef, JSCR
Scarborough (Ontario)

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