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Printemps 2019 (Volume 29, numéro 1)

Le meilleur rhumatologue ou le rhumatologue le mieux coté?

Par Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR

« Je crois que les gens accordent trop d'importance aux cotes. »
– Walter Cronkite

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Cela fait quelque temps que je réfléchis à la question. Quand le site RateMDs.com a fait son apparition, je n'y ai pas prêté beaucoup d'attention. Mes enfants, cependant, l'ont consulté. Ils m'ont offert d'entrer des évaluations favorables à mon sujet. Le plus intéressant, c'était de regarder ce qui se trouvait déjà sur le site, sans se laisser trop influencer de manière positive ou négative par ce genre de validation externe. Dans l'ensemble, mes cotes étaient bonnes, reflétant (je crois) le fait que je reçois un patient à la fois, que j'essaie d'être ponctuel, que je souligne à mon personnel que nous sommes au service de nos patients et que j'essaie d'être « dans le moment présent », comme le préconisent les gourous de la pleine conscience. Quand j'ai commencé à travailler comme répondant médical d'urgence (RMU), j’ai reçu un commentaire négatif disant que j’interagissais trop avec l'ordinateur. Nous avons réglé cela, au détriment de ma posture vertébrale, en réaménageant mon bureau et les écrans d’ordinateur pour que je sois face aux patients; je n'ai pas eu de plaintes depuis.

Un autre patient a laissé suffisamment d'indices dans une évaluation négative pour que je sois presque certain de le reconnaître. Il se plaignait principalement du fait que je n'avais pas découvert de maladie rhumatismale. J'ai examiné avec attention l'information fournie dans la demande de consultation, les résultats des examens et mes notes de consultation, sans découvrir quoi que ce soit de préoccupant. Le patient a entré son évaluation après avoir consulté un autre rhumatologue, qui a demandé d’autres examens et m’a envoyé une copie conforme de son rapport; il n’avait pas trouvé de trouble significatif lui non plus.

Le Dr James Rosenbaum, rhumatologue et ophtalmologiste américain, a souligné l'importance des facteurs externes à la compétence médicale dans les cotes accordées aux médecins1. Il exerce dans deux cliniques : une où il a une très bonne cote (en rhumatologie) et l'autre où sa cote n'est pas aussi bonne (en ophtalmologie). Le Dr Rosenbaum a étudié les facteurs connus associés aux cotes négatives attribuées aux médecins en milieu hospitalier : le fait d’être examiné par un résident plutôt qu'un médecin traitant; le fait d’être examiné dans un hôpital d'enseignement ainsi que le diagnostic reçu, les patients atteints de fibromyalgie s'avérant moins satisfaits que ceux ayant reçu d'autres diagnostics. Les patients qui ont passé les examens et reçu les ordonnances qu'ils voulaient, même si ni les uns ni les autres n'étaient médicalement appropriés, étaient également plus satisfaits. Étant donné qu'une partie du salaire de nombreux médecins américains est fondée sur la satisfaction des patients, ces problèmes sont devenus des préoccupations majeures.

Une étude publiée dernièrement dans la revue JAMA Internal Medicine vient confirmer cette réalité. Il s'agit d'une étude transversale portant sur 1 141 adultes s’étant présentés à 1 319 consultations auprès de 56 médecins de famille. L’étude a révélé que la satisfaction des patients à l’égard des cliniciens qui avaient refusé de les orienter vers un spécialiste, de prescrire des médicaments contre la douleur et d'autres nouveaux médicaments ou de demander des examens de laboratoire était moins bonne que la satisfaction à l’égard des cliniciens qui avaient accédé aux demandes des patients.

Au Canada, un récent reportage de CBC TV3 et une préoccupation exprimée par un collègue rhumatologue de l’Ontario m'ont amené à réexaminer le site RateMDs.com. Parmi les renseignements intéressants que j'ai trouvés en ligne, j'ai découvert que le site Web appartient à VerticalScope Inc., elle-même propriété de Torstar Corporation, la société mère du journal The Toronto Star, bien connu pour ne pas être l'ami des médecins. Le reportage de la CBC parlait de ce que peuvent faire les médecins qui ont de mauvaises cotes pour rétablir leur réputation. Ces médecins doivent payer à des firmes de « gestion de la réputation » en ligne, dont fait partie RateMDs, des frais mensuels pour générer des évaluations favorables et masquer les commentaires défavorables ou les faire descendre plus bas à l'écran pour qu’ils deviennent hors de vue. Les frais exigés par RateMDs pour masquer jusqu'à trois commentaires défavorables varient de 179 $ à 359 $ US par mois. Si vous arrêtez de payer les frais, vos évaluations négatives réapparaissent à l'écran. Il s'agit donc d'un service d'écran de fumée plutôt que d'un service d’assainissement, et cela soulève de nombreuses questions éthiques.

Dans les faits, à mon cabinet, il arrive rarement qu’un patient mentionne avoir vu de bonnes évaluations en ligne à mon sujet ou dise en avoir rédigé une sur moi. La plupart des patients ne s’en préoccupent pas ou du moins, ne m’en parlent pas. La dernière fois que j'ai vérifié, je me maintenais au deuxième ou au troisième rang parmi les rhumatologues les mieux cotés de Scarborough, pour ce que cela vaut. Le rhumatologue occupant le premier rang est malheureusement décédé et ne recevra donc plus de mauvaises évaluations. Je dois me

Références:

1. Rosenbaum, JT. A Tale of 2 Physicians. The Rheumatologist, mai 2014, p. 8-9.

2. Jerant A et coll. Association of Clinician Denial of Patient Requests With Patient Satisfaction.

JAMA Intern Med. 2018;178(1):85-91. doi:10.1001/jamainternmed.2017.6611. 3. https://www.cbc.ca/news/health/ratemds-privacy-reputation-management-1.4880831. Consulté le 31 octobre 2018.

Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR
Rédacteur en chef, JSCR,
Scarborough (Ontario)

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