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Hiver 2019 (Volume 29, numéro 4)

Qu’est-ce qu’un rhumatologue?

Par Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR

« Qu’y a-t-il dans un nom? Ce que nous appelons rose, Par n’importe quel autre nom, sentirait aussi bon. » — Juliette.
Acte II, scène 2 de Roméo et Juliette, par W. Shakespeare

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Dans mon cabinet de rhumatologie, où j’exerce seul en compagnie d’une secrétaire, certaines des conversations unilatérales les plus intéressantes que j’entends sont celles entre ma secrétaire et des patients potentiels. Après réception et approbation d’une demande de consultation, ma secrétaire appelle le patient afin de fixer un rendez-vous mutuellement acceptable pour une première consultation. Bien que cela semble simple en théorie, c’est souvent plutôt difficile en pratique.

D’une part, les patients semblent souvent étonnés que nous les appelions. « Votre médecin de famille ne vous a pas dit qu’il vous orientait vers un rhumatologue? », dit ma secrétaire. Apparemment non. La réponse que je n’entends pas semble souvent être : « Qu’est-ce qu’un rhumatologue? » Ma secrétaire a une réponse toute prête : « Un rhumatologue est un spécialiste de l’arthrite. » Cela fonctionne généralement bien pour une personne aux prises avec des douleurs articulaires périphériques. Toutefois, nous recevons beaucoup de demandes de consultation en lien avec des résultats anormaux aux tests sérologiques, des taux élevés de créatine kinase, de maux de tête unilatéraux d’apparition récente et des éruptions cutanées inhabituelles, et ces patients ne ressentent souvent aucune douleur articulaire. Cette réponse toute faite sur ce qu’est un rhumatologue doit les mystifier.

Bien que le site Web de la Société canadienne de rhumatologie (SCR) soit muet à ce sujet, le site Web de l’American College of Rheumatology (ACR) répond à la question de la façon suivante : « Un rhumatologue est un interniste ou un pédiatre qui a reçu une formation supplémentaire dans le diagnostic (la détection) et le traitement des maladies musculosquelettiques et des maladies auto-immunes systémiques communément appelées maladies rhumatismales. Ces maladies peuvent toucher les articulations, les muscles et les os, causant douleur, enflure, raideur et déformation. » (www.rheumatology.org/I-Am-A/Patient-Caregiver/Health-Care-Team/What-is-a-Rheumatologist).

Peut-être que je devrais transmettre le texte de cette réponse à ma secrétaire.

L’ACR a amélioré la définition de rhumatologue au fil du temps. Je possède encore un dépliant de l’American Rheumatism Association (devenue l’ACR) de 1987 intitulé : « Le rhumatologue : Le médecin spécialisé dans le traitement des douleurs. » Vraiment? Nous avons fait beaucoup de chemin, même si ce n’est que récemment que la principale revue de l’ACR a été rebaptisée Arthritis and Rheumatology au lieu de Arthritis and Rheumatism.

Je pensais auparavant que la rhumatologie, en tant que spécialité apparaissant en « fin de livre » dans mes anciens manuels de médecine interne, était la seule discipline aux prises avec ce problème. Cependant, même dans le prestigieux domaine de la cardiologie, on retrouve des sites Web expliquant ce qu’est un cardiologue, y compris le site Web de l’American College of Cardiology (www.cardiosmart.org/Heart-Basics/What-is-a-Cardiologist), qui répond à la question de la façon suivante : « Un cardiologue est un médecin spécialisé dans la détection, le traitement et la prévention des maladies du cœur et des vaisseaux sanguins. » Aucune mention n’est faite du médecin superhéros, du médecin grassement payé ou du médecin le plus susceptible de sauver des vies à la télévision.

Notre taux de patients absents à leur rendez-vous étant assez faible, je finis donc par rencontrer la plupart de ces nouveaux patients. Certains avouent qu’ils ne savent pas pourquoi ils ont été dirigés vers moi. « J’ai vu plusieurs spécialistes et personne n’a rien trouvé, alors ils m’ont envoyé vous voir. » « Vous ne faites pas d’arthroplastie du genou? » Apparemment, ils n’ont pas lu l’article d’information complet de l’ACR : « Les rhumatologues traitent les maladies articulaires comme les orthopédistes, mais ne pratiquent pas de chirurgie. » En fait, je ne vois pas beaucoup de similitudes entre la façon dont les rhumatologues et les chirurgiens orthopédistes traitent les maladies articulaires, mais c’est peut-être un thème à aborder une autre fois. De même, l’ACR indique que « les maladies couramment traitées par les rhumatologues comprennent l’arthrose, la goutte, la polyarthrite rhumatoïde, la douleur chronique au dos, les tendinites et le lupus ». Les rhumatologues canadiens surchargés de travail élimineraient probablement trois de ces diagnostics de la liste.

En attendant, j’écoute ma secrétaire se défendre : « Je suis désolée, mais le cabinet n’est pas ouvert le soir et les fins de semaine. » « Oui, le cabinet est fermé le mercredi, mais ça ne veut pas dire que le docteur ne travaille pas. » « Oui, le prochain rendez-vous régulier libre est vraiment dans trois mois. » « Non, nous ne validons pas les bons de stationnement. » Je soupçonne que les questions d’accès aux soins feront l’objet d’un prochain article dans cette série.

Philip A. Baer, MDCM, FRCPC, FACR
Rédacteur en chef du JSCR,
Scarborough (Ontario)



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