Printemps 2025 (Volume 35, numéro 1)
Explorer le potentiel de l’IA en rhumatologie : les premiers pas vers l’innovation
Par Carrie Ye, M.D., FRCPC, MPH; et Claude 3.5 Sonnet (assistant IA)
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Lorsque j’imagine une clinique de rhumatologie très fréquentée, je vois la pratique traditionnelle de la rhumatologie : des antécédents détaillés des patients, des examens physiques minutieux, une interprétation réfléchie, des résultats de laboratoire et des conseils axés sur le patient. Bien que l’intelligence artificielle (IA) n’ait pas encore transformé notre pratique quotidienne, des chercheurs explorent comment elle pourrait un jour améliorer les soins que nous fournissons aux patients atteints de maladies rhumatologiques. En tant que rhumatologue praticienne et chercheuse en IA, je suis prudemment optimiste quant à l’intégration potentielle de cette technologie à notre spécialité.
La rhumatologie fait face à plusieurs défis qui en font un terrain d’essai intéressant pour les applications de l’IA. Notre spécialité continue de connaître une pénurie de main-d’œuvre, les patients attendant souvent des mois pour leurs rendez-vous. Les maladies que nous traitons sont complexes, nécessitant une surveillance attentive et des ajustements fréquents à des médicaments puissants. Bon nombre de nos outils diagnostiques, tels que des examens articulaires à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), reposent largement sur la reconnaissance des formes, un domaine où l’IA s’est révélée prometteuse dans d’autres contextes.
Dans notre laboratoire de recherche, Joint AI, nous en sommes aux premières étapes de l’étude de plusieurs applications potentielles de l’IA. Un projet explore la possibilité d’utiliser l’IA pour faciliter le triage des patients dirigés. L’objectif est de développer un système qui pourrait aider à classer par priorité les personnes dirigées. Bien qu’elle soit encore en cours d’élaboration, cela pourrait aider à garantir que les patients atteints de maladies où le facteur temps importe reçoivent des soins plus rapidement.
Un autre projet préliminaire aborde le défi de l’éducation des patients. Nous cherchons à savoir si un chatbot (ChatRheum) spécialisé dans les grands modèles linguistiques, s’appuyant exclusivement sur la littérature de rhumatologie évaluée par les pairs et sur les supports éducatifs validés pour les patients, pourrait fournir des informations fiables aux patients entre les visites. Contrairement aux chatbots génériques d’IA, le système que nous proposons utiliserait la génération améliorée par récupération d’information (GARI) pour s’assurer que les réponses sont fondées sur des sources médicales vérifiées. Cependant, des essais importants et leur validation seront nécessaires avant qu’un tel système puisse être envisagé pour une utilisation clinique.
Nous explorons également les applications IA de la vision par ordinateur en rhumatologie. Nos premières recherches portent sur l’entraînement de modèles d’IA pour détecter les épanchements articulaires (gonflement) sur des photographies et des vidéos de mains. Bien que les premiers résultats soient prometteurs, une validation approfondie sera nécessaire pour déterminer si une telle technologie pourrait aider de manière fiable au diagnostic et à la surveillance des maladies, en particulier pour les patients des régions isolées du Canada.
L’un de nos projets de recherche qui a déjà été utilisé pour répondre à des questions cliniques consiste à déterminer si l’IA pouvait extraire des mesures de densité osseuse à partir de tomodensitométrie (TDM) de routine, une technique appelée
« TDM-DEXA opportuniste ». L’objectif est maintenant d’étendre ce projet à de grandes populations à risque, comme les hommes atteints d’un cancer de la prostate sous traitement antiandrogénique, afin d’identifier l’ostéoporose chez ces hommes qui subissent une TDM pour la stadification et le suivi du cancer.
Dans le cadre de ces recherches, nous gardons à l’esprit le potentiel et les limites de l’IA en médecine. Tout système d’IA aurait besoin d’une validation rigoureuse dans diverses populations de patients pour s’assurer qu’il fonctionne aussi bien pour tous les groupes démographiques. Les questions de confidentialité des données, d’intégration des flux de travail cliniques, de détection et d’atténuation des biais et du rôle approprié de l’IA dans la prise de décisions cliniques doivent être examinées attentivement.
Pour l’avenir, je vois l’IA comme un outil potentiel pour compléter, et non remplacer, l’expertise clinique en rhumatologie. Bien que la technologie soit prometteuse, nous devons nous rappeler que le cœur de la pratique de la rhumatologie demeure l’application réfléchie du jugement clinique et l'essentielle relation médecin-patient. Notre recherche vise à explorer comment l’IA pourrait un jour soutenir ces aspects fondamentaux des soins. Ces technologies représentent des possibilités passionnantes pour l’avenir des soins rhumatologiques, mais leur développement doit être guidé par des données probantes, des considérations éthiques et, surtout, des bénéfices pour les patients.
Carrie Ye, M.D., FRCPC, MPH
Professeure adjointe
Université de l’Alberta
Département de médecine
Faculté de médecine et de dentisterie
Edmonton (Alberta)
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