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Été 2016 (volume 26, numéro 2)

Formateur d’enseignants :
la Dre Lori Albert

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Selon vous, quelles sont les qualités d’un bon éducateur? Et comment s’appliquent-elles à vous?
Je crois que de nombreuses qualités caractérisent les bons éducateurs; j’ai été très impressionnée de voir de combien de façons différentes les excellents enseignants pensent à ce qu’ils font, et comment ils parviennent à établir un rapport avec les apprenants et à communiquer avec eux. Je dirais que quelques-unes des plus importantes qualités, en espérant qu’elles sont apparentes chez moi, sont un véritable enthousiasme pour l’enseignement, la patience envers les apprenants (la capacité à ralentir et à aider l’apprenant à résoudre un problème) et un désir de voir les étudiants croître et progresser dans leurs aptitudes et compétences.

Vous avez récemment travaillé sur la nouvelle édition du Canadian Clinician’s Rheumatology Handbook. Comment a été cette expérience et quel était le plus important message à retenir des connaissances recueillies?
Entreprendre un projet de collaboration nationale est toujours intimidant; toutefois, mes collègues de partout au pays forment un groupe extraordinaire et ce qui devait être fait a été accompli. De certaines façons, c’était plus simple pour ce deuxième mandat. Je suis aussi beaucoup plus satisfaite de notre deuxième édition que de la première. Je crois qu’après avoir observé la première édition en usage pendant quelques années, le corps enseignant pouvait mieux voir comment améliorer et présenter plus clairement l’information de façon utile. Je crois que revoir et réviser un ouvrage est toujours une expérience éducative.

Quelle a été votre source d’inspiration pour le développement de la plateforme en ligne RheumExam Atlas?
De nombreuses caractéristiques cliniques de maladies rhumatismales sont visibles à l’œil du médecin traitant, mais ils ne sont pas toujours évidents à moins de savoir exactement ce qu’on recherche. Anciennement, je devais trimbaler cinq atlas différents jusqu’au chevet des patients pour enseigner, avec des notes autocollantes pour marquer les pages montrant des éruptions cutanées d’origine vasculitique ou des changements capillaires au niveau du repli cutané de l’ongle. Après un certain temps, j’ai dû admettre que mon sac n’était pas assez gros pour tous les contenir! J’ai aussi réalisé qu’il n’y avait pas d’images de choses simples évidentes pour moi, mais que les jeunes étudiants n’avaient jamais eu l’occasion de voir, comme des articulations enflées au niveau des mains. J’ai donc commencé à prendre mes propres photos de patients présentant des signes d’arthrite précoce et les photos de cas classiques de patients-partenaires pour pouvoir comparer et différencier les signes. Autour de cette même période, un de mes vénérables collègues m’a fait cadeau d’une énorme collection de diapositives qu’il avait accumulées au fil de ses années de pratique, et j’ai soudainement réalisé que je devrais tout simplement faire mon propre livre avec ce que je voulais voir dedans. Ce fut le point de départ pour mon atlas.

Le premier atlas imprimé s’est avéré plutôt encombrant, et un peu difficile à utiliser pour toute personne autre que moi-même. J’avais en tête de faire quelque chose en format électronique depuis longtemps. Je me disais qu’un atlas électronique serait beaucoup plus simple d’accès et beaucoup plus facile à amener au chevet d’un patient sur une tablette. Toutefois, ce n’est que cette année que j’ai soumis une demande à un concours pour les services d’une étudiante d’été du programme de communication biomédicale de l’Université de Toronto qui a travaillé avec moi pour développer la plateforme en ligne.

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La Dre Claire Bombardier et le Dr Cory Baillie présentent son prix à la Dre Albert.

On fait constamment l’éloge de votre compassion en tant qu’éducatrice. Y a-t-il un éducateur de votre propre passé qui a inspiré votre cheminement vers l’enseignement?
J’ai croisé de merveilleux résidents qui ont guidé la stagiaire clinique terrorisée que j’étais tout au long de ses stages en médecine cardiovasculaire, en chirurgie et en obstétrique. Ils m’ont beaucoup appris à propos de la compassion et de l’importance d’une approche axée sur l’apprenant. De nombreux autres, surtout mes professeurs lorsque je suis devenue boursière en rhumatologie, étaient des enseignants si remarquables qu’ils m’ont inspiré à penser à comment être une enseignante efficace et à l’impact considérable que cela peut avoir sur l’expérience des stagiaires. Je me souviens aussi particulièrement d’un moment au cours de ma deuxième année en faculté de médecine : durant une séance d’enseignement des habilités cliniques avec notre groupe de six, mon tuteur, qui était nul autre que le Dr Robert Inman, s’est détourné du patient qu’il examinait pour regarder par la fenêtre de notre chambre au 11e étage et a fait remarquer au patient la beauté de ce coucher de soleil hivernal. Cet instant a eu un impact énorme sur moi en me donnant la permission de laisser entrer l’aspect humain dans l’enseignement, alors que mon expérience comme étudiante avait toujours été que tout devait être très approprié et réglementé. Même si Robert espérait plutôt me voir devenir une scientifique, son talent et son enthousiasme en tant qu’enseignant, en plus de sa capacité à établir un rapport avec ses patients et ses étudiants, ont probablement contribué beaucoup plus à mon désir de me tourner vers l’enseignement!

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D’une grande éducatrice à une autre.

Quel talent avez-vous qui n’est pas utilisé avec succès dans votre milieu de travail?
Mon talent pour faire des arrangements floraux.

Compte tenu de votre travail considérable dans le domaine de l’éducation en rhumatologie, quelle direction anticipez-vous pour la formation médicale continue (FMC) au cours de la prochaine décennie? Selon vous, comment l’ère de l’Internet et des médias sociaux a-t-elle changé l’approche des rhumatologues à l’égard des programmes de FMC et de la documentation scientifique en général?
Le paysage de l’éducation a évolué de façon telle que nous sommes maintenant plus fortement axés sur les données probantes dans ce que nous faisons. Nous sommes plus axés sur les apprenants, surtout en ce qui a trait au respect de la diversité des individus et leurs façons d’apprendre. Nous pensons à comment l’apprentissage se fait, et non pas seulement à l’enseignement. Je crois que cela a, et continuera à avoir, une incidence sur la FMC en rhumatologie. Une compréhension croissante de comment nous apprenons habilitera les médecins à mieux choisir le mode d’apprentissage qui leur convient le mieux. Certains continueront simplement à faire ce qu’ils ont toujours fait, mais j’espère que la recherche en éducation sera mieux diffusée dans la communauté de la rhumatologie et inspirera les gens à explorer de nouveaux moyens de parfaire leur éducation. On accorde également plus d’attention maintenant au « continuum de l’apprentissage » et à une vision holistique de nos carrières; cela aussi pourrait nous permettre de mieux planifier et optimiser la FMC pour répondre aux besoins de différents médecins à différents moments. Il est difficile d’imaginer qu’on puisse avoir un meilleur accès à l’information que maintenant, mais peut-être y aura-t-il de meilleurs outils pour gérer, traiter et évaluer la masse de données à notre disposition. Je suppose qu’il continuera à y avoir des dinosaures comme moi qui n’adopteront pas les modes des médias sociaux, mais nous verrons bien quelle sera la prochaine grande révolution. J’ai entendu dire que les disques en vinyle revenaient en force…

Si vous aviez une heure libre par jour, comment la passeriez-vous?
J’aimerais pouvoir vous dire que je ferais de l’exercice, que j’écrirais un roman ou que je ferais plus de bénévolat, mais en fait, je crois que je dormirais probablement!

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La Dre Albert nous montre la voie!

L’année dernière, vous avez reçu le prix du Mentor d’étudiants d’été de la SCR. Qu’est-ce que cet honneur représentait pour vous?
Et bien d’abord, j’étais très surprise de recevoir ce prix; il n’avait jamais existé auparavant et personne n’en avait encore entendu parler, alors j’ai vraiment été prise au dépourvu. Deuxièmement, je me suis sentie incroyablement honorée. L’étudiante avec qui j’avais travaillé au cours de l’été était exceptionnellement brillante et nous avons passé un excellent été ensemble. À la fin de l’été, elle m’a fait des petits gâteaux pour me remercier et cela me suffisait amplement! Le fait qu’elle se soit donné la peine de soumettre mon nom pour ce prix était vraiment très touchant et significatif. Ce fut un grand moment.

Quels projets en cours vous excitent en ce moment et quels projets aimeriez-vous entreprendre dans le futur?
À l’heure actuelle, mon plus gros projet est le renouvellement du curriculum à l’Université de Toronto. Cela me prend beaucoup d’énergie; quand nous aurons passé à travers la première année, je pourrai commencer à envisager d’autres projets. J’ai découvert que je m’intéresse beaucoup au perfectionnement professoral et j’aimerais apprendre et pratiquer davantage dans ce domaine.

Il y a environ 15 ans de cela, vous avez convoqué la première assemblée de CanREAL (Canadian Rheumatology Education and Learning). Comment le paysage éducatif en pratique de la rhumatologie a-t-il évolué au cours des années écoulées?
La rhumatologie a été soumise aux mêmes pressions externes que toutes les autres spécialités; nous avons dû traiter avec la réforme et le renouvellement des curricula des facultés de médecine (souvent plus qu’une fois), l’introduction de CanMEDS, puis de CanMEDS 2015, et l’imminente formation basée sur les compétences. Nous, les rhumatologues, en sommes encore à essayer de voir comment obtenir plus de temps dans le curriculum et comment enseigner les examens physiques efficacement! Mais d’un autre côté, nous comptons aussi plus de personnes qui sont des éducateurs dévoués et qui participent à plus grande échelle au éveloppement du curriculum. Plusieurs sont actifs dans la recherche en éducation et occupent des postes importants dans des universités, au Collège royal et au sein d’associations nationales d’éducation médicale. Je reviens justement de la Conférence canadienne sur l’éducation médicale (CCEM) et de nombreux rhumatologues s’y trouvaient avec leurs travaux scientifiques. Je dirais donc que les rhumatologues ont largement adopté l’étude et la pratique de l’éducation de qualité supérieure, ce qui n’est guère surprenant, mais tout de même un changement par rapport à 15 ans plus tôt.

Lori Albert, M.D., FRCPC
Professeure agrégée de médecine,
Université de Toronto
Rhumatologue titulaire,
Réseau universitaire de santé,
Toronto Western Hospital
Toronto (Ontario)

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