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Automne 2016 (volume 26, numéro 3)

L’évolution de la rhumatologie pédiatrique au Canada

Par Ronald M. Laxer, M.D.,C.M., FRCPC (avec mes remerciements au Dr Ciaran Duffy, au Dr Alan Rosenberg et à Michele Gibbon)

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Évolution : un processus de changement continu d’un état inférieur, plus simple ou pire à un état supérieur, plus complexe ou meilleur.
(Merriam-Webster Dictionary, www.merriam-webster.com/dictionary/evolution).

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Les rhumatologues pédiatriques du Canada forment une petite, mais puissante, communauté au rayonnement national et international qui, assurément, « frappe bien plus fort que sa catégorie de poids ». La dernière décennie a été une période de croissance importante avec l’expansion de nombreux programmes universitaires et une forte présence communautaire dans plusieurs provinces (notamment la Colombie-Britannique et l’Ontario). Sur 15 facultés de médecine (sur un total de 17 au Canada), 12 comptent maintenant au moins deux rhumatologues pédiatriques dans leur personnel enseignant, et s’il est vrai que, comme le mentionnait la Dre Janet Ellsworth, ceci demeure insuffisant, il s’agit tout de même d’une grande amélioration par rapport à dix ans plus tôt, alors que seulement quatre centres (Vancouver, Toronto, Montréal et Halifax) avaient deux membres de la faculté ou plus. Cette expansion a non seulement rehaussé la visibilité de notre domaine de spécialisation, mais a aussi favorisé plus d’exposition pour les étudiants en médecine et les résidents en pédiatrie, de sorte que plusieurs ont opté pour la rhumatologie pédiatrique comme sous-spécialité. D’ailleurs, depuis 2006, 31 nouveaux diplômes ont été remis pour les trois programmes de formation approuvés par le Collège royal (c. à-d., l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université de Toronto et l’Université McGill).

En 2005, une rencontre avait été organisée à Vancouver pour tous les rhumatologues pédiatriques canadiens. À la suite de cette conférence de deux jours, l’Alliance canadienne des chercheurs en rhumatologie pédiatrique (CAPRI) a été lancée. Peu après, un groupe dirigé par les Drs Ciaran Duffy, Kiem Oen, Lori Tucker et Rae Yeung obtenait le financement nécessaire au soutien de l’étude ReACCh-Out (Research in Arthritis in Canadian Children, Emphasizing Outcomes), le premier projet entrepris par CAPRI (voir l’article de la Dre Lori Tucker à la page 11). Cette cohorte nationale, longitudinale et multicentrique a permis le suivi de 1 500 patients nouvellement diagnostiqués d’arthrite juvénile idiopathique (AJI) pour déterminer quels facteurs influençaient les résultats. Le groupe a été et demeure remarquablement productif, avec six publications à ce jour dans les plus influentes revues de rhumatologie. Les données sont toujours sous analyse et demeurent une source riche et très prisée de matériel pour les études cliniques en cours. Ce projet a également démontré la capacité de notre communauté à s’unir et la puissance de la collaboration.

En plus de la cohorte ReACCh-Out, d’autres études collaboratives multicentriques ont été organisées et ont mené à d’importantes observations et contributions à la littérature scientifique dans le domaine. L’étude BBOP (Biologically-Based Outcome Predictors) en contexte d’AJI, menée par le Dr Alan Rosenberg à Saskatoon, comprend onze centres. Cette étude examine les interactions entre la génétique, le style de vie et les facteurs environnementaux au stade précoce de l’évolution de l’AJI pour tenter de prédire les résultats et, en fin de compte, améliorer la prise en charge. Elle compte une vaste équipe de chercheurs où sont représentés de nombreux domaines, notamment la réadaptation, les soins infirmiers, les sciences nutritionnelles, la biologie cellulaire et la toxicologie, pour n’en nommer que quelques-uns. Quatre manuscrits ont été publiés et l’analyse des données se poursuit. L’étude LEAP (Linking Exercise Activity and Pathophysiology), menée par le Dr Ciaran Duffy et la Dre Lori Tucker, est aussi une étude de cohorte longitudinale prospective qui se concentre sur l’activité physique chez les patients atteints d’AJI. Les patients ont été recrutés dans douze centres universitaires de sciences de la santé en pédiatrie à travers le Canada.

Ce projet diffère de l’étude ReACCh-Out par l’inclusion de beaucoup plus de chercheurs en dehors du domaine de la rhumatologie pédiatrique, avec plusieurs kinésiologues et des analystes de données d’études longitudinales. L’étude a débuté en 2011 et à ce jour, près de 700 patients ont été inscrits. L’ensemble de données comprend des données démographiques, l’information clinique détaillée, incluant l’utilisation de médicaments et les données de laboratoire, les évaluations globales par le médecin et le patient/parent, les questionnaires sur le fonctionnement et la qualité de vie et un questionnaire sur l’activité physique. Un sous-groupe des patients de l’étude LEAP fournit aussi des échantillons biologiques à certaines visites de l’étude, des données d’accélérométrie, une analyse structurale détaillée des os et des tests de la fonction musculaire. Cette étude compte acquérir de l’information spécialisée et assez détaillée sur le lien entre l’AJI et l’activité physique et sur les effets de l’activité physique sur l’AJI, avec un accent particulier sur les effets sur les os et les muscles, de même que les effets sur les biomarqueurs mesurés. De plus, l’établissement de liens avec les échantillons biologiques longitudinaux offre la possibilité d’explorer des biomarqueurs novateurs dans le contexte de l’évolution de la maladie au fil du temps. Un certain nombre de résumés découlant de cette étude ont été présentés à des réunions scientifiques et quelques articles descriptifs préliminaires sont en cours de préparation. Plus récemment, CAPRI a entrepris le développement d’un registre national visant le suivi de tous les enfants canadiens atteints d’AJI.

Après plusieurs années d’intenses discussions et de débats, la « Section pédiatrique » a été formée en 2006 en tant que première section de la SCR. Cette section représente l’évolution de son prédécesseur, l’Association canadienne de rhumatologie pédiatrique (ACRP), constituée en 1986, après la reconnaissance qu’en unissant leurs efforts, la SCR comme l’ACRP deviendraient de plus solides entités. La section se veut un moyen de renforcer la voix de la rhumatologie pédiatrique à travers le Canada et son attention se porte notamment sur la défense des intérêts, l’éducation et la planification des ressources humaines (voir l’article de la Dre Janet Ellsworth à la page 15). Au cours des quelques dernières années, le groupe a œuvré pour l’accès au naproxène liquide et à l’hexacétonide de triamcinolone qui n’étaient plus disponibles pour nos patients.

Grâce à nos effectifs accrus et un solide esprit de collaboration, notre avenir s’annonce prometteur. De jeunes et talentueux rhumatologues pédiatriques canadiens bien formés et débordants d’énergie sont en place et ne manqueront certainement pas de produire des études de haute qualité et d’attirer la crème des stagiaires vers notre domaine de spécialisation. Le potentiel est énorme et l’avenir s’annonce effectivement très prometteur.

Ronald M. Laxer, M.D.,C.M., FRCPC
Professeur, départements de pédiatrie et de médecine,
Université de Toronto
Rhumatologue titulaire,
The Hospital for Sick Children
Toronto (Ontario)

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