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Été 2014 (volume 24, numéro 2)

C’est discutable!
Le Grand débat 2014

par Stephanie Ensworth, M.D., FRCPC,
au nom de Vivian Bykerk, M.D., FRCPC,
Susan Humphrey-Murto, M.D., FRCPC, M.Éd.,
Shahin Jamal, B.Sc., P.T., M.D., FRCPC, M.Sc., et
Stephanie Keeling, M.D., M.Sc., FRCPC

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Le Grand débat 2014 de la SCR a fait salle comble, accueillant pratiquement tous les médecins pour adultes ou enfants et représentants de l’Arthritis Health Professions Association (AHPA) présents à la 69e Assemblée scientifique annuelle (ASA) de la SCR, accompagnés de nombreux partenaires, conjoints et amis. Nul n’a été déçu! Ce fut un excellent débat, chargé d’humour et de parodies habiles accompagnant le matériel didactique, scientifique et éducatif parfaitement présenté jusqu’à la spectaculaire finale surprise!

Le sujet du Grand débat de cette année était : « Nous surveillons trop étroitement les ARMM et les agents biologiques et nous procédons à trop de tests avant d'amorcer le traitement biologique. » En provenance de l’Est, nous avions la Dre Vivian Bykerk de l’Université de Toronto et la Dre Susan Humphrey-Murto de l’Université d’Ottawa. Représentant l’Ouest, la Dre Shahin Jamal de l’Université de la Colombie-Britannique et la Dre Stephanie Keeling de l’Université de l’Alberta. L’équipe de l’Est du Canada appuyait cette déclaration tandis que l’équipe de l’Ouest argumentait contre l’énoncé.

Il n’y a eu que quelques rares occasions par le passé ou des femmes rhumatologues étaient invitées à participer aux Grands débats annuels de la SCR. Le Grand débat de 2004 fut le premier à n’inclure que des femmes, soit la Dre Claire Bombardier et la Dre Alice Klinkhoff contre la Dre Dianne Mosher et la Dre Janet Pope, quatre rhumatologues canadiennes hautement respectées et d'excellente réputation. Rappelons-nous que le sujet de leur débat était la déclaration selon laquelle la chrysothérapie serait un traitement désuet, peu pratique et toxique n’ayant plus sa place dans l’arsenal thérapeutique contre la PR. Depuis cet important Grand débat, il y a eu une pénurie de femmes rhumatologues participant au débat. Cette année marque le 10e anniversaire de ce Grand débat historique de la SCR et nous l’avons célébré par le deuxième Grand débat entièrement mené par des femmes. Encore une fois, toutes les participantes étaient des rhumatologues canadiennes hautement respectées et d'excellente réputation.

Le Grand débat annuel de 2014 de la SCR a été un événement à la fois entraînant, vif, adroit, divertissant et éducatif!

L’équipe de l’Est, composée des Dres Bykerk et Humphrey-Murto, a argumenté que nous surveillons trop étroitement les antirhumatismaux modifiant l'évolution de la maladie (ARMM) et les agents biologiques et que nous procédons à trop de tests avant d'amorcer le traitement biologique en présentant cinq points principaux. Leur premier point était que les demandes sur le système de la santé au Canada sont élevées, mais que les ressources sont limitées. Un récent article1 démontrait que la hausse marquée du nombre de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) n’avait pas été accompagnée d’une hausse concomitante du nombre de rhumatologues. L’explosion de la campagne Choisir avec soin (Fondation ABIM)2 est le résultat direct de la nécessité de fournir des soins optimaux, mais de façon efficace. L’équipe a suggéré que la surveillance est trop forte, comme le démontrent le suivi excessif de la toxicité rétinienne liée aux agents antipaludiques3 et les analyses sanguines pour la surveillance du méthotrexate (MTX) qui excèdent les lignes directrices canadiennes4. Elles ont également fait remarquer le manque de données empiriques prouvant que la surveillance change l’issue. Par exemple, une hausse de la concentration d’enzymes hépatiques survient chez 50 % des patients, mais ce résultat est un faible prédicteur de l’histologie et la plupart des cas se résorbent sans ajustement posologique5. Elles ont souligné que la surveillance doit être personnalisée en fonction de chaque patient. Les patients qui ne présentent pas d’autres facteurs de risque pour la toxicité hépatique peuvent, sans danger, être suivis moins fréquemment pendant leur traitement au MTX. Finalement, l’équipe du « pour » a ajouté une petite touche d’humour en suggérant qu’une surveillance trop assidue pourrait être le résultat de problèmes plus graves comme un trouble obsessionnel-compulsif ou la peur de poursuites en justice. On a rassuré les rhumatologues en leur affirmant que les cas de poursuite en justice étaient rares.

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Les participantes au Grand débat 2014 (de gauche à droite) : Dre Shahin Jamal, Dre Vivian Bykerk, Dre Stephanie Keeling et Dre Susan Humphrey-Murto.

Au contraire, l’équipe de l’Ouest composée des Dres Jamal et Keeling a argumenté que nous ne surveillons pas trop étroitement les ARMM et les agents biologiques et que nous ne procédons pas à trop de tests avant d'amorcer le traitement biologique. Pour commencer, l’équipe a fait valoir qu’il n’existe pas de données solides en matière de dépistage approprié et de surveillance des médicaments antirhumatismaux. Il existe par contre des lignes directrices de pratique clinique, notamment les lignes directrices sur la prise en charge de la PR6 récemment publiées par la SCR, basées sur les données disponibles et l’opinion de spécialistes, que l’équipe a utilisées comme base pour leur argument. Les résultats d’un sondage mené auprès des rhumatologues canadiens suggèrent que la plupart pratiquent conformément aux lignes directrices publiées. Parmi les conséquences d’une surveillance insuffisante, on note le risque de ne pas détecter une toxicité médicamenteuse grave, le coût (direct et indirect) de la gestion des effets indésirables et le risque d’être reconnu responsable. De plus, les rhumatologues ne disposent pas de données solides sur la surveillance appropriée des patients utilisant des combinaisons de médicaments (antirhumatismaux et autres). L’équipe était d’accord avec la campagne Choisir avec soin recommandant de fournir des soins optimaux, mais a proposé que, selon les données actuelles, les rhumatologues canadiens assurent une surveillance pertinente. Lorsqu’il faut utiliser des médicaments potentiellement toxiques, le principal objectif est d’abord de « ne pas nuire ». Peut-être les verdicts de responsabilité sont-ils rares en rhumatologie justement parce que nous veillons à faire une surveillance appropriée pour éviter de causer du tort aux patients.

Le Grand débat 2014 s’est terminé par une soudaine et surprenante mobilisation éclair (flash mob) pour une danse, à laquelle l’auditoire même a participé, au rythme d’une chanson de Village People intitulée
« Go West » que l’équipe a rebaptisée « Vote West »! La présidente du débat, Dre Stephanie Ensworth, a découvert par la suite que les Dres Jamal et Keeling avaient communiqué avec tous les participants à l’ASA de l’Ouest du Canada avant l’assemblé pour les inviter à se joindre à leur projet clandestin pour cette mobilisation éclair. C’est tout un exploit que ces deux participantes de l’Ouest au Grand débat ont réalisé.

Pour conclure, l’auditoire a voté par applaudissements, optant en faveur de l’équipe du « contre » des Dres Jamal et Keeling et leur mobilisation éclair comme gagnante du Grand débat 2014, suivie de très près par l’équipe du « pour » des Dres Bykerk et Humphrey-Murto. Tout le monde a passé un très agréable moment.

Références :

1. Widdifield J, Patterson M, Bernatsky S, et coll. The Rising Burden of Rheumatoid Arthritis Surpasses Rheumatology Supply in Ontario. Can J Public Health 2013; 104(7):e450-5.

2. Fondation ABIM. Choisir avec soin. Site Web accessible à l’adresse www.choisiravecsoin.org/

3. Browning DJ. Impact of the revised American academy of ophthalmology guidelines regarding hydroxychloroquine screening on actual practice. Am J Ophthal 2013; 155(3):418-28.

4. Bykerk VP, Schieir O, Akhavan P, et coll. Emerging Issues in Pharmacological Management of RA: Results of a National Needs Assessment Survey Identifying Practice Variations for the Development of CRA Clinical Practice Recommendations. J Rheumatol 2012; 39(8):1555-8.

5. Visser K, van der Heijde DM. Risk and management of liver toxicity during methotrexate treatment in rheumatoid and psoriatic arthritis: a systematic review of the literature. Clin Exp Rheumatol 2009; 27(6):1017-25.

6. Recommandations de la SCR concernant la PR. 2012. Présentées à l’adresse www.rheum.ca/fr/publications/cra_ra_guidelines

Stephanie Ensworth, M.D., FRCPC
Professeure agrégée de clinique, Département de rhumatologie,
Université de la Colombie-Britannique, Vancouver, Colombie-Britannique

au nom de Vivian Bykerk, M.D., FRCPC;
Susan Humphrey-Murto, M.D., FRCPC, M.Éd.;
Shahin Jamal, B.Sc., P.T., M.D., FRCPC, M.Sc., et
Stephanie Keeling, M.D., M.Sc., FRCPC

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